Charte pour l’Aïkido

Document téléchargeable au format PDF (English : Charter for Aïkido)

PREAMBULE


La pratique d’une voie chevaleresque vise à guérir de six maladies :

– Le désir d’être victorieux,
– le désir de s’appuyer sur des astuces techniques,
– le désir d’être admiré,
– le désir de vaincre en dominant mentalement son adversaire,
– le désir de rester passif en attendant une ouverture,
– le désir de guérir des cinq premières maladies.

Yagyu Munenori, Maître d’arme du Shogun Tokukawa, début du XVIIème siècle.

L’Aïkido reste une pratique bien vivante. Il existe encore dans le monde, des experts qui sont les disciples en ligne directe du Maître Fondateur. Il importe de les aider à transmettre et à préserver leur savoir.

Malgré les bonnes intentions de leurs responsables, certaines associations favorisent une conception réductrice de l’Aïkido en accréditant l’idée que cette discipline n’est qu’un sport comme les autres. Il nous paraît indispensable de corriger cette définition simpliste et inexacte.

ORIGINE HISTORIQUE

L’Aïkido est une discipline créée par O-Sensei Ueshiba Morihei. Elle comprend des éléments variés et complexes, à la fois techniques, philosophiques et moraux.

L’originalité de cette discipline a été officiellement reconnue par les autorités japonaises en 1942.

Son fondateur a décidé de l’offrir au monde entier, envoyant à ses frais, dans les années cinquante, des experts en Europe et aux Etats-Unis afin de faire connaître sa méthode.

Les descendants du Maître Fondateur restent les héritiers, les garants moraux et des modèles de l’Aïkido. L’Aïkikaï de Tokyo, organisation fondée avec l’autorisation de O-Sensei, doit demeurer un exemple de fidélité aux souhaits du Fondateur. Cependant, nulle organisation ne peut prétendre détenir une quelconque exclusivité sur tout ou partie d’une discipline que son créateur a voulu universelle. De ce fait l’Aïkido ne saurait devenir la propriété d’aucun groupe humain, fédération ou administration, qu’il soit national ou supranational.

PRINCIPES GÉNÉRAUX

  • L’Aïkido n’est pas un sport au sens occidental de ce terme. Bien que sa pratique mette en œuvre des actions physiques précises, c’est une discipline complexe dont les subtilités ne sont comprises que progressivement.
  • Le but de l’Aïkido, pour son Fondateur, était essentiellement pacifique. Il reprenait en cela une tradition ancienne, déjà exprimée dans le Tao-tö-king de Lao-tseu. Le terme BUDO signifie Voie chevaleresque. Le premier idéogramme, BU, peut se traduire par “celui qui arrête les lances“, c’est-à-dire le pacificateur. Le second idéogramme DO possède le sens général de “voie de perfectionnement individuel“. Cette haute conception exclut que l’on puisse assimiler l’Aïkido à une simple méthode de combat, moins encore à un “Art“, fût il ou non “martial“.
  • L’Aïkido se présente comme une méthode efficace de résolution pacifique des conflits et de conciliation des contraires. Elle développe chez ses pratiquants, même si ces derniers ne le découvrent que progressivement, les qualités humaines, morales et physiques, nécessaires à la réalisation de ces buts élevés.
  • Le psychisme humain, comme chacun le sait, est souvent le siège d’impulsions contradictoires. L’expérience montre que leur maîtrise est améliorée par une pratique soutenue de l’Aïkido. Celle-ci entraîne progressivement des modifications profondes, en particulier une vigilance accrue et une forme de détachement, ainsi qu’un renforcement du dynamisme et de la santé.
  • L’être humain ne peut ignorer ou enfreindre impunément les lois de la nature. Il doit tenter de les comprendre et de s’y conformer ce qui, à terme rendra ses actions plus harmonieuses. Dans ce domaine, le Maître Fondateur considérait que les pratiquants avaient une responsabilité personnelle dans le bon fonctionnement de l’univers concret dans lequel ils évoluaient.
  • O-Sensei refusait que l’Aïkido devienne un sport. Il rejetait les règles artificielles restrictives que ces activités comportent. Il considérait en particulier que la compétition stimule l’ambition et la vanité des pratiquants. Il souhaitait que son Budo restât ancrée dans le réel. De ce fait, le champ d’action normal de l’Aïkido n’est donc pas seulement le Dojo mais l’univers de tous les jours où évolue le pratiquant.

ENSEIGNEMENT DE L’AÏKIDO

Les principes qui viennent d’être évoqués imposent certaines contraintes à l’enseignement de cette discipline ainsi qu’à sa pratique. Ces contraintes sont traditionnelles et certaines d’entre elles concernent la sécurité des élèves.

Les règles qui assurent la bonne ordonnance d’un Dojo, l’étiquette, la courtoisie et la coopération entre les participants, ainsi que le respect du professeur, sont surtout valables dans l’enceinte protégée où se déroulent les entraînements.

Les grades et les distinctions honorifiques peuvent être des encouragements pour les plus jeunes. Ils ne sont d’aucune utilité dans la vie courante. Ce sont les qualités morales et physiques du pratiquant qui lui permettent de survivre aux aléas de l’existence.

Si l’Aïkido est étudié dans un lieu protégé, le Dojo, il ne se pratique véritablement qu’à l’extérieur, dans le monde concret de tous les jours où les armes coupent, où les accidents mutilent et où les erreurs peuvent tuer. Dans cet univers complexe où les situations se modifient constamment, la première qualité d’un pratiquant sera la capacité de s’adapter aux changements et aux situations imprévues. Il va de soi qu’à elle seule, la répétition de mouvements déterminés en réponse à des attaques convenues, ne permettrait pas de faire face à cette réalité. De ce fait, la spontanéité, la capacité d’accueil, la vigilance et la non fixité de l’esprit restent à notre époque des qualités indispensables. Les randoris, exercices qui développent ces caractéristiques sont indispensables.

L’utilisation systématique d’une force musculaire exagérée dans l’exécution des techniques d’Aïkido est toujours une erreur. Elle ralentit l’action ; elle bloque la perception des changements de posture et des mouvements de l’adversaire ; elle gêne l’adaptation aux différentes phases d’un combat. De plus, un emploi abusif de la force est souvent générateur d’accidents et de conflits. L’acquisition de techniques précises est une étape indispensable mais elle ne doit pas nuire à la capacité d’adaptation qui vient d’être évoquée. Bien au contraire, la répétition de mouvements harmonieux, avec l’idée d’accueillir et de protéger l’adversaire, est une méthode pédagogique efficace pour assurer l’épanouissement de l’élève. Elle lui permet de progresser dans sa maîtrise du réel et de lui-même.

RASSEMBLEMENT SOUHAITÉ

Il n’est pas du tout certain que l’Aïkido ait besoin d’une administration complexe pour prospérer, d’autant que chaque école, ou Dojo, possède déjà l’organisation interne indispensable à son bon fonctionnement. Un système de communication entre les composants de base que sont les Dojos, clubs ou écoles, représenterait déjà une avancée considérable par rapport à la situation actuelle.

L’expérience a montré qu’une organisation de l’Aïkido fondée sur le maintien d’une conformité technique à un modèle figé était une chimère dangereuse. La tentation de s’assurer une exclusivité de l’enseignement, avec l’aide des pouvoirs publics par exemple, serait en complète contradiction avec les principes définis par le Fondateur et la liberté d’expression et de recherche personnelle que nous souhaitons conserver.

Dans notre pays, la délivrance des grades a été confisquée en pratique par des Fédérations, en dépit d’une décision très claire du Conseil d’État, qui avait annulé toute habilitation exclusive délivrée à qui que ce soit. Nous pensons qu’il est souhaitable de rendre aux professeurs la responsabilité entière de leur attribution. En effet, ce sont eux qui connaissent le mieux leurs élèves, dans toute leur complexité, leur richesse intérieure et leurs capacités techniques. Tous les professeurs sont parfaitement capables d’apprécier le niveau atteint par leurs propres élèves.

La transmission du savoir n’est correctement réalisée que de professeur à élève. Seuls des assistants ayant déjà fait leurs preuves, sous la supervision d’un expert, peuvent accéder à leur tour à la fonction d’enseignant. Des commissions délivrant des diplômes après un simple examen ne garantiront jamais l’aptitude d’un candidat. Elles font rarement preuve d’une suffisante objectivité. Par la collégialité des décisions et le secret des délibérations elles assurent l’irresponsabilité individuelle de leurs membres.

REMARQUES GÉNÉRALES

  • Un système trop complexe de grades risque de substituer à la recherche intérieure individuelle celle de distinctions flatteuses. Un pratiquant raisonnable doit savoir qu’une telle distinction ne représente, au mieux, qu’un niveau de connaissance technique et que toute progression vers la maîtrise reste très largement invisible.
  • La richesse de l’Aïkido repose en partie sur le savoir des experts. Ils sont les plus aptes à illustrer, par les techniques qu’ils démontrent, la manifestation concrète des principes de notre discipline. Cependant, aucun expert ne peut aujourd’hui prétendre représenter, à lui seul, l’Art qu’il enseigne.
  • Chaque enseignant, chaque pratiquant confirmé, même s’il ne possède pas encore une grande expérience, manifeste souvent une intuition particulière. La richesse et la variété de ces acquis individuels, constituent un ensemble irremplaçable. La seule façon de le mettre en commun, pour le profit de tous, passe par le respect.
  • Les élèves sont la raison d’être de l’enseignement et le futur de l’Art que nous pratiquons. Ils sont d’abord le reflet de leurs professeurs mais ils doivent conserver leur indépendance et leur sens critique, pour le jour où ils transmettront à leur tour ce qu’ils ont appris.
  • Le cadre dans lequel s’exercent la transmission d’un savoir et sa mise en pratique n’est autre que l’univers tout entier. Dans la mesure où nul ne peut prétendre le connaître dans sa totalité, nul ne peut prétendre limiter arbitrairement le champ de recherche d’un pratiquant d’Aïkido.

PROTOCOLE

Ce document propose des idées et des principes autour desquels un certain nombre d’enseignants et de pratiquants d’Aikido pourraient se rassembler. Il devrait permettre de regrouper de façon informelle ceux d’entre nous qui souhaitent protéger la richesse et la variété de notre discipline.

Article 1
Les signataires de la présente Charte adhèrent dans l’ensemble aux idées et principes rappelés dans le Préambule. Ils ont pour but de préserver pour les générations futures l’Aikido de O-Sensei Ueshiba Morihei, dans toute sa richesse et dans toute sa complexité.

Article 2
Ils participent à la transmission de l’Aikido dans un esprit de tolérance et de respect. Ils rejettent toute discrimination qui serait fondée sur les convictions religieuses ou les différences ethniques des participants.

Article 3
Ils n’attendent de leurs efforts aucune autre récompense que celle de savoir qu’ils auront participé à une œuvre utile de promotion de la paix et de l’harmonie dans le monde.

Article 4
Ils reconnaissent le Dojo, lieu sacralisé par la pratique de la Voie, comme l’unité fondamentale pour l’enseignement de l’Aïkido. Il est constitué des élèves et du professeur, réunis dans une pratique commune.

Article 5
Au sein d’un Dojo, nul ne peut s’immiscer entre les pratiquants et celui qui enseigne. Ce dernier est responsable du savoir qu’il dispense et des grades qu’il délivre pour encourager les néophytes.

Article 6
Quand un professeur autorise un élève à porter la ceinture noire, ce n’est pas seulement la sanction d’un niveau technique mais aussi le symbole d’une recherche sincère et désintéressée. Elle implique un engagement personnel du récipiendaire qui devra désormais découvrir par expérience personnelle les principes profonds de l’Art et rester fidèle à ce qu’il en aura compris.

Article 7
Aujourd’hui, tout comme à l’époque médiévale, l’aptitude d’un pratiquant ne se mesure qu’à l’épreuve du réel. Il serait inconvenant pour un enseignant de solliciter un grade. S’il en a reçu un par le passé, il sait que cette distinction ne représentait, au mieux, qu’un constat instantané.

Article 8
Indépendamment de conditions légales plus restrictives qui pourraient exister dans un pays déterminé, tout enseignant pourra délivrer, sous sa responsabilité, une autorisation d’enseigner à l’un de ses élèves. Elle existera de plein droit si un titulaire de la ceinture noire peut justifier d’une pratique effective de quelques années dans ce domaine.

Article 9
Dans un esprit de conciliation, l’appartenance d’un signataire du présent Protocole à une Fédération d’Aikido, même s’il y exerce des fonctions de cadre, n’est pas incompatible avec les buts que nous nous fixons. Au contraire, il est permis d’espérer que les concepts élevés qui sont les nôtres pourront être acceptés par tous les pratiquants sincères.

Par respect pour les autres pratiquants et conscients de leur propre faiblesse humaine, les signataires de ce Protocole savent qu’ils ne détiennent pas une quelconque Vérité. En conséquence, toute amélioration de ce texte ou toute autre initiative assurant une meilleure sauvegarde de l’Aïkido seront les bienvenues et peuvent être consignées ci-dessous.

Fait au mois d’avril 2000

LISTE DES SIGNATAIRES ET DES ORGANISATIONS AMIES

Fédération Belgo-Japonaise de BUDO et KOBUDO
Siège social : 35 rue des Brasseurs – 7000 MONS Belgique
tél/fax 065311722 – tél. 065360204
Président d’honneur : son Excellence Monsieur Nisibori ex-Ambassadeur du Japon en Belgique.
Professeur : Michel Cogneau (adresse ci-dessus)
Directions techniques : Judo & Kendo, Morioka Shihan (8ème dan) Karate Wado Ryu, Hironori Otsuka Shihan (10ème dan) Kyudo, Miwa Shihan (10ème dan) Aikido Tomita Sensei (8ème dan)

Ecole de la Marsange
Dojo de Gretz-Armainvilliers – Salle Polyvalente Dumesnil, rue de Vignolles. 77 220 GRETZ-ARMAINVILLIERS.
Professeurs : Jean & Jacqueline Greslé Vincent Morieux
Assistants : André Bouteloup, Jean-Louis Cornil, Fabienne Tournier

Dojo d’Ozoir la Ferrière (77)
Professeurs : Françoise & Philippe Giraud

Dojo de Meaux (77)
Professeur : Olivier Leroy

Dojo de Saran
Professeur : Clément Karoubi ” Clos de la Montjoie ” 51 rue des Jacynthes – SARAN

Ecole de Sumikiri
Président : Jean Daniel Cauhépé 12 rue Richery – 83 600 FREJUS
tél. 04 94 53 64 32

Ecole du Dr. Jean Marie Tung
Professeur : Dr. Jean-Marie Tung Le Clos de la Vigne, Chemin de la Boal 83 310 GRIMAUD
tél. 04 94 56 84 77 fax 04 94 56 83 48

Maurice Bélier – Ecole de la Marsange
Joceline Boutonnet – Ecole de la Marsange
Marie-Claude Cornil – Ecole de la Marsange
Patrick Dimayuga, Villa Casa Nostra – 19 270 SAINT PARDOUX
Sylvain Hummel – Ecole de la Marsange
Noëlle Litzler – Ecole de la Marsange
Cédric Sarrete – Ecole de la Marsange

Contribution du Dr. Jean-Marie TUNG

  1. Le dojo est la cellule de base, centrée sur son professeur, éventuellement relié à une Ecole, c’est à dire une structure à échelle familiale où tous les pratiquants se connaissent, rassemblés autour d’un ancien…
  2. Personne ne détient la vérité, ni enseignant, ni expert, fut-il élève direct du Fondateur ; il n’y a que des “gardiens du savoir” et toute garantie est relative.
  3. Le Dan est un contrat entre le professeur et son élève dans le cadre d’un dojo ou d’une Ecole et ne devrait pas faire l’objet d’une publicité. Aura-t-on le courage de dire que ce système est néfaste et devrait être supprimé, surtout pour le professeur ?
  4. Question fondamentale : Qui est apte à dire si tel ou tel pratiquant expert ou groupe est apte à faire partie de cette Charte. Sur quels critères (forcément subjectifs) ?

Réponse:
” C’est à chacun de décider si oui ou non il adhère (à peu près) aux idées qui sont contenue dans la Charte et le Protocole. Si un pratiquant, un expert ou un groupe se reconnaît dans les principes qui sont proposés, il est le bienvenu. Personne n’aurait l’idée de lui imposer le moindre critère ! “

Jean & Jacqueline Greslé
239 rue du Général Leclerc
77010 La Houssaye en Brie
tél. 01 64 07 02 92 – fax 01 64 07 84 68

Jean-Marie & Den Tung
Le Clos de la Vigne
Chemin de la Boal
83 310 GRIMAUD

Chers amis,
Merci de votre lettre et de vos encouragements pour le livre sur le Bouddhisme.
En ce qui concerne le protocole ta première remarque, Jean-Marie, est tout à fait partagée. Il est évident que les fédérations, à l’image de celles de Football, sont des usines à fric et des instruments de pouvoir. C’est pourquoi je n’ai pas voulu d’une organisation de plus, mais simplement une affirmation publique, face aux ignorants ou aux malveillants, Pour la seconde, c’est une évidence. La vérité quand on s’en approche n’est, le plus souvent, que notre propre image vue dans un miroir.
En ce qui concerne les grades des professeurs, je pense que ce point n’est pas assez clairement précisé. Je me propose d’ajouter en annexe toutes les remarques et compléments envoyés par les signataires. Les tiens seront en bonne place.
La proposition du Doshu, de nous aligner en fonction de l’ancienneté, ce jour là, était tout à fait ponctuelle et ne concernait que la séance d’entraînement concernée (celle de 1989) ! Il n’était certainement pas dans son intention de substituer l’ancienneté aux grades, que son organisation distribuait à l’époque à ses clients (au sens romain du terme).
Pour ta question fondamentale : Qui est apte à dire si tel ou tel pratiquant expert ou groupe est apte à faire partie (à être signataire) de cette Chartre ? La réponse est très simple :
” C’est à chacun de décider si oui ou non il adhère (à peu près) aux idées qui y sont contenue. Si un pratiquant, un expert ou un groupe se reconnaît dans les principes qui sont proposés, il est le bienvenu et personne, pas en tout cas Michel ou moi, n’aurait l’idée de lui imposer le moindre critère ! ”
Je transmet tes coordonnées à Michel Cogneau et joint ton nom à celui des signataires.
Grosses bises aux filles, qui vont apprécier d’être enfin en vacance !